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I
Traduire "il y a" : "ci hè", "ci sò" et "... fà"
Il y a plusieurs manières de traduire "il y a" en corse, selon qu'il s'agisse du temps écoulé ou d'une description, et dans ce dernier cas, cela dépend aussi du nombre.
(A) "il y a" temporel
C'est le plus simple, il se traduit par "fà" qui suit le temps en question :
hè mortu vinti anni fà (è m'ortu w'int 'anni va) = il est mort il y a 20 ans | |
hè partuta dui ghjorni fà (è part'uda r'ui j'òrni va) = elle est partie il y a 2 jours | |
tempi fà ùn era micca cusì (t'empi va un 'éra m'ika guz'i) = dans le temps ce n'était pas ainsi | notons que "tempi fà" doit se traduire "dans le temps, autrefois" |
(B) "il y a" descriptif
(i) s'il est suivi d'un pluriel (SANS précision ou évaluation de la quantité), on dit "ci sò", que le pluriel soit avec l'article défini ou non. Exemples : |
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ci sò omi di valore (tʃi zò 'omi ri wal'òrè) = il y a des hommes de valeurs | |
ci sò i zitelli (tʃi zò i dzid'élli) = il y a les/des enfants | |
(ii) On utilise aussi "ci sò" pour traduire "il y en a" quand cette expression n'est pas suivie d'une quantité précise ou estimée. Exemples : |
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ci sò chì sò bugiardi (tʃi zò ki sò budʃ'ardi) = il y en a qui mentent | (littéralement : qui sont des menteurs) |
ci sò chì parlanu troppu (tʃi zò ki p'arlanu dr'opu) = il y en a qui parlent trop |
"parlent trop"
est à comprendre ici comme "dit des choses qu'il ne devrait pas dire"
(synonyme : traparlà) et NON PAS " |
(iii) dans tous les autres cas, soit : suivi d'un singulier, d'un pluriel avec précision ou estimation de quantité, il faut "ci hè". Exemples : |
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ci hè parechje parsone (tʃè par'ètjè bars'òne) = il y a plusieurs personnes | |
ci hè quattru zitelle (tʃè kw'atru dzid'éllè) = il y a 4 enfants (des filles, 4 fillettes) | |
ci hè u focu (tʃè u v'ogu) = il y a le feu | |
ci hè u timpurale (tʃè u dimpur'ale) = il y a un orage | |
ci hè assai ghjente (tʃè as'ai jen'tè) = il y a beaucoup de monde | (littéralement : beaucoup de gens) |
Notons l'expression : "ci hè a ghjente" (tʃè a jen'tè) = il y a du monde, qui tend à être remplacée sous l'influence du français par "ci hè u mondu" (tʃè u mon'du)
II
Exprimer la nécessité (1) : "il faut ..." = "ci vole à ..." et "il me revient de ..."= "mi tocca à ...", les pronoms personnels compléments dits "faibles"
Il paraît maintenant opportun de commencer à savoir exprimer des notions communes, mais qui nécessitent l'usage de tournures idiomatiques, qui s'éloignent beaucoup de la traduction littérale.
La notion de nécessité peut s'exprimer de diverses manières, mais les plus simples, les plus utilisées et les plus directes sont "ci vole à ..." et "mi tocca à ..." :
(A) CI VOLE
(i) "ci vole à" suivi d'un verbe à l'infinitif peut être traduit en français par "il faut" + verbe à l'infinitif. (précisons que "vole" est la 3ème personne du singulier du verbe "vulè" qui veut dire "vouloir"). On peut bien sûr utiliser d'autres temps que le présent, mais nous reviendrons dessus le moment venu, quand ces autres temps auront été vus. |
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ci vole à lascià corre (tʃi w'olè a laʃa k'òrrè) = il faut laisser tomber | (littéralement : laisser courir) |
ci vole à stà à sente (tʃi w'olè a sta a s'entè) = il faut écouter | (littéralement : rester à entendre) |
(ii) "ci vole" (sans "à") peut également être suivi d'un nom commun : |
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ci vole un martellu (tʃi w'olè un mart'éllu) = il faut un marteau | |
ci vole a pacenza (tʃi w'olè a badʒ'entsa) = il faut de la patience | Souvent on utilise l'article défini en corse, même si ce n'est pas le cas en français |
ci volenu trè anni (tʃi w'olènu drè 'anni) = il faut 3 ans | Dans ce cas, si le nom qui suit est pluriel, il faut accorder "ci vole" qui devient "ci volenu" (tʃi w'olènu) au présent, que le nombre soit précisé ou nom (contrairement à la règle pour ci hè/ci sò) |
ci volenu chjodi (tʃi w'olènu dj'òri) ou ci volenu i chjodi (tʃi w'olènu i dj'òdi) = il faut des clous | Même remarque |
ùn ci vole micca martellu (un tʃi w'olè m'ika mart'éllu) = il ne faut pas de marteau | À la forme négative, l'article (défini ou indéfini) ne figure plus |
Il est également possible d'introduire une proposition subordonnée avec "chì", mais cette proposition, comme en français, doit être au subjonctif présent ou imparfait selon le temps de la proposition principale (il faut que tu sois ..., etc). Nous verrons donc cette construction une fois que le subjonctif aura été introduit.
(B) MI TOCCA
Une autre tournure permet d'indiquer une nécessité un peu plus forte, souvent une obligation extérieure. Dans cette tournure, il est par ailleurs impératif de préciser la personne qui "subit" la nécessité.
Il s'agit des tournures de type "mi tocca à + verbe à l'infinitif" (mi d'òka a ...). On peut traduire cela par "il m'incombe de + verbe à l'infinitif", même si "mi tocca à ..." en corse est bien plus courant que "il m'incombe de ..." en français (et que le verbe "incombe" qui signifie bien entendu "incomber" existe en corse)! "tocca" (t'òka) est la 3ème personne du singulier du verbe "tuccà" qui est un verbe du 1er groupe (à participe passé court : "toccu" (t'òku) et non pas "tuccatu" (tuk'adu) comme le voudrait la "règle"). |
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mi tocca à aspittà (mi d'òka a aspit'a) = je dois attendre | |
mi tocca à ghjungne à nove ore (mi d'òka a dj'undjè a n'ow 'orè) = je dois (impérativement) arriver à 9 heures | |
À la place du pronom personnel complément "mi", on peut trouver n'importe lequel de ces pronoms selon la personne concernée. |
Reste à connaître ces pronoms : ils sont identiques aux pronoms réfléchis, à l'exception de la 3ème personne du singulier :
Pronoms personnels sujets (RAPPEL) |
Pronoms personnels réfléchis (RAPPEL) |
Pronoms personnels "faibles" COD |
Pronoms personnels "faibles" COI |
Pronoms personnels compléments "forts" (= préposition), toutes fonctions (À VENIR) |
eiu = moi | mi = me | mi = me | mi = me | mè = moi |
tù = toi | ti = te | ti = te | ti = te | tè = toi |
ellu, ella = lui, elle | si = se | u, a, l' = le, la | li = lui | ellu, ella = lui, elle |
noi = nous | ci = nous | ci = nous | ci = nous | noi = nous |
voi = nous | vi = vous | vi = vous | vi = vous | voi = vous |
elli, elle = eux, elles | si = se | i, e, l' = les | li = leur | elli, elle = eux, elles |
Ils sont dits "faibles", par opposition à d'autres pronoms personnels compléments qui sont légèrement différents bien qu'ayant les mêmes fonctions et que l'on trouve après des prépositions ou des adverbes (di, à, annantu à, ...). (on les cite : mè, tè, ellu/ella, noi, voi, elli/elle). On les verra en détail un peu plus tard.
Un autre moyen de s'en souvenir facilement (des pronoms personnels compléments comme des pronoms réfléchis d'ailleurs) est de penser qu'ils sont tous "en -i", et qu'ils commencent tous par la même lettre que leur équivalent français (sauf "ci" (tʃi) = nous).
Exemples : avec "tuccà" et donc les pronoms COI : |
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li tocca à parte (li d'òka a p'artè) = il doit partir, ou ils doivent partir | seul le contexte permet de le dire |
ci tocca à fidià bè (tʃi d'òka a firi'a bè) = il nous faut bien regarder | |
vi tocca à tilifunà (bi d'òka a tilivun'a) = vous devez absolument appeler | |
ti tocca à chjamammi (ti d'òka a tjam'ammi) = tu dois m'appeler | (sous-entendu : tu n'as pas le choix) |
ùn li tocca micca à vene (un li d'òka m'ika a b'ènè) = il n'a pas à venir, n'est pas obligé de venir | À la forme négative, comme toujours la "règle" vue précédemment s'applique |
Exemples : avec des pronoms COD : |
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u chjamanu (u dj'amanu) = ils l'appellent | (un homme ou un garçon) |
ti truvemu (ti druw'èmu) = nous te trouvons | |
e piattate (i biat'adè) = vous les cachez | (les représentant un féminin) |
(C) MI CI VOLE
Puisque les pronoms personnels compléments ont été vus, il faut savoir que l'on peut les utiliser avec "ci vole à + verbe à l'infinitif" ou "ci vole + nom commun" (ET SEULEMENT dans ces constructions, c'est évidemment impossible avec une proposition subordonnée).
Reprenons les exemples vus avec "ci vole" : |
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ti ci vole a pacenza (ti dʒi w'olè a badƷ'entsa) = il te faut de la patience | |
mi ci vole un martellu (mi dʒi w'olè un mart'éllu) = il me faut un marteau | |
vi ci volenu trè anni (bi dʒi w'olènu drè 'anni) = il vous faut 3 ans | |
li ci volenu i chjodi (li dʒi w'olènu i dj'òri) = il lui faut des clous | (ou leur, on ne peut le savoir sans contexte) |
mi ci vole à parte (mi dʒi w'olè a p'artè) = il me faut partir | |
ùn mi ci vole micca martellu (un mi dʒi w'olè m'ika mart'éllu) = il ne me faut pas de marteau, je n'ai pas besoin de marteau | À la forme négative : |
(D) "MI TOCCA À + négation"
Dans le cas où la négation se trouverait dans la proposition infinitive qui suit "à", le corse ne procède pas comme le français, et "ùn" et "micca" encadre le verbe à l'infinitif. C' EST LE CAS DANS TOUTE PROPOSITION INFINITIVE QU ' ELLE SOIT INTRODUITE PAR "À", "DI" OU AUTRE.
mi tocca à ùn parlà micca troppu (mi d'òka a un parl'a mm'ka dr'opu) = je dois ne pas trop parler. | "parlà troppu" doit être compris comme "en dire trop", "ne pas savoir tenir sa langue". "traparlà" a le même sens. L'idée d'être bavard est rendue par des verbes comme "diciculà", "batalà", "ciafanà" ou tout simplement "dice" : "quant'ellu dice !" = "qu'estce-ce qu'il peut parler (être bavard) ! " |
vi tocca à ùn ghjunghje micca à bona ora (ou di bona ora) (bi d'òka a un dj'undje m"ika a b'on 'ora (ou ri w'on 'ora)) = vous ne devez pas arriver trop tôt. | "prestu" petu être utilisé pour dire la même chose (et veut par ailleurs dire "vite" également) |
III
Exprimer ses goûts (1) : mi piace à
Une autre tournure très simple qui permet de dire ce que l'on aime est "mi piace". On trouve 3 cas de figure :
(i) goût pour une action, avec un verbe donc : MI (ou autre pronom) PIACE À + verbe à l'infinitif |
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mi piace à cantà (mi bi'adʒè a cant'a) = j'aime chanter | |
(ii) goût pour une chose au singulier : MI (ou autre pronom) PIACE + nom commun au singulier |
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mi piace a cicculata (mi bi'adʒè a dʒikul'ada) = j'aime le chocolat | "a cicculata" doit être vu comme le sujet de "piace" |
(iii) goût pour une chose au pluriel : MI (ou autre pronom) PIACENU + nom commun au pluriel (avec l'article défini, TOUJOURS) |
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mi piacenu i ghjacari (mi bi'adʒènu i j'agari) = j'aime les chiens | "i ghjacari" doit être vu comme le sujet de "piacenu" |
PIACE est la 3ème personne du singulier du verbe "piace" qui veut dire "plaire", et "piacenu" la 3ème personne du pluriel, mais le plus souvent il convient de le traduire par "j'aime" (ou "il aime", "tu aimes", etc selon le pronom). En effet, le verbe "aimer", à savoir "amà" est très peu usité en corse (c'est essentiellement le participe passé "amatu" (am'adu) qui est utilisé)
On peut le trouver à d'autres temps que le présent bien sûr. À noter qu 'au passé composé, l'auxiliaire est "esse" et non "avè", équivalent du "avoir" français : "ùn m'hè micca piaciuta" (un mè m'ika biadʒ'uda) = ça ne m'a pas plu. On reviendra dessus.
À la forme négative, on ne déroge toujours pas à la règle qui veut que "ùn" et "micca" encadrent la forme verbale conjuguée ainsi que les pronoms compléments : |
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ùn mi piace micca a cicculata"(un mi bi'adʒè m'ika a dʒikul'ada) = je n'aime pas le chocolat |
Enfin, donnons quelques exemples avec d'autres pronoms que "mi" : |
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ti piace u caffè (ti bi'adʒè u gaf'è) = tu aimes le cafè | |
ùn vi piace micca à ballà (un bi bi'adʒè m'ika a ball'a) = vous n'aimez pas danser | |
li piace a musica (li bi'adʒè a m'uziga) =il (ou elle) aime la musique, OU ils (ou elles) aiment la musique. | On ne peut rien dire hors contexte |
si la négation est dans la proposition infinitive qui suit "MI PIACE À", le corse diffère du français, et on a la construction suivante : "ùn" et "micca" entoure le verbe à l'infinitif |
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mi piace à ùn mancà micca u rispastu" (mi bi'adʒè a un mank'a mm'ika u rrib'astu) = j'aime ne pas manquer le repas | surtout pas "ùn micca mancà" comme on le voit malheureusement trop souvent par calque du français. "Pastu" bien que plus rare, peut avantageusement remplacé "ripastu", mot sans doute influencé par le français |
li piace à ùn cascà micca" (li bi'adʒè a un kask'a mm'ika) = il aime ne pas tomber |